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Le Réseau Rotavirus Français

(French RotaNet)


Historiquement, une surveillance moléculaire des souches de rotavirus en milieu pédiatrique avait été mise en place en prévision de la prochaine disponibilité de vaccins contre rotavirus. Depuis 2004 et surtout l’hiver 2006 nous avons développé un réseau de surveillance épidémiologique et moléculaire des rotavirus comprenant de nombreux CHU et CH répartis sur le territoire. Ce réseau national est connecté à un plus large réseau européen, le réseau EuroRotaNet.

La recommandation de la vaccination contre rotavirus, suspendue en 2015, a été de réintroduite dans le calendrier vaccinal par la HAS le 23 juin 2022. Les deux vaccins oraux historiques, Rotarix (GSK) et Rotateq (MSD France) qui avaient reçu l’AMM en 2006, sont désormais inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables à 65% depuis fin 2022. Par conséquent, leurs utilisations, jusqu’ici quasi confidentielles avec une couverture <5% en France, pourraient désormais croître rapidement dans les prochains mois et années. Dans sa stratégie vaccinale, la HAS recommande tout particulièrement « la poursuite de la surveillance des souches, cruciale pour documenter une éventuelle évolution de la prévalence des souches associées suite à l’introduction de la vaccination contre les infections à rotavirus ». Ce réseau s’inscrit résolument dans ces objectifs.

Carte du Réseau Rotavirus Français

Répartition des centres participant au réseau national rotavirus en 2022.

Epidémiologie moléculaire des rotavirus en France


Bilan 2006-2022

Le recueil des prélèvements sur l’ensemble des saisons 2006-2007 à 2021-2022 est de 12268 souches de rotavirus totalement ou partiellement caractérisées (Tableau 1). Les quatre principales combinaisons de génotypes G/P ont été durant ces quinze années : G1P[8] (43,4%) suivie de G9P[8] (29,4%), cumulant à elles seules près des ¾ des souches détectées (72,8%), puis G3P[8] (12,9%) et G2P[4] (6,3%). Les autres combinaisons d’importance significative étaient G12P[8] (2,7%) et G4P[8] (1,9%).

Ainsi, les six combinaisons génotypiques désormais classiques (G1/G3/G4/G9/G12P[8] et G2P[4]) représentaient 96,6% des souches caractérisées. Les génotypes ou combinaisons atypiques (incluant notamment quelques associations de génotypes G et P classiques) représentent 1,8 % et les infections mixtes 1,6%.

Distribution des combinaisons génotypiques GP des rotavirus typés de 2006 à 2022

Saison 2021-2022

L’analyse séparée des génotypes G montre une répartition des souches semblable à celle observée pour les combinaisons G/P. Les génotypes G inhabituels détectés en France en 2021-2022 ont été des souches G6 (4 souches, 0,5%) et G8 (3 souches, 0,5%). Aucun génotype G5, G6 ou G10 (souches d’origine bovine) n’a été caractérisé durant la saison 2021-2022.
Les faits marquant de cette saison 2021-2022 sont la forte circulation des rotavirus G3 avec une fréquence de 34,3% (260 souches), la nette augmentation des rotavirus G3e avec une fréquence de 17,0% (129 souches), la décroissance des rotavirus G9 avec une fréquence de 23,5% (178 souches), et la recirculation des rotavirus G12 avec 12,2% de détection (92 souches).

Les génotypes P sont peu diversifiés et très largement dominés par le génotype P[8] avec globalement 92,0% entre 2006-2022 et 95,5% en 2021-22, alors que le génotype P[4] représente globalement 6,9% entre 2006-2022 et 3,9% cette dernière saison. Ce résultat concernant le génotype P[4] est à considérer dans le suivi des effets de la vaccination même si les dernières données montrent que les variations sont essentiellement dues à une fluctuation naturelle saisonnière.

Entre 2006 et 2022, les génotypes atypiques en France étaient représentés par P[3], P[5], P[6], P[9], P[14] et P[41] ce qui représentait 132 (1,1%) souches. Durant la saison 2021-22 nous avons détecté les génotype P[6] (2 souches), P[14] (2 souches) et, pour la première fois, P[41] (1 souche), soit 0,6% du total des souches caractérisées. La constance et l’hégémonie de la prévalence du génotype P[8] entre 2006 et 2022 est rassurante et doit être soulignée s’agissant de l’efficacité de la vaccination puisque les deux vaccins commercialisés possèdent cette valence antigénique dans leur composition.

Distribution des génotypes G et P des rotavirus typés de 2006 à 2022

Évolution des combinaisons génotypiques G/P depuis 2001

L’évolution des génotypes G/P durant cette période de surveillance est marquée par de grandes variations saisonnières.

Évolution des génotypes G/P « classiques » :
   ─ le génotype G1P[8] : stable depuis plus de 10 ans, il a vu sa fréquence chuter avec la réémergence des G9P[8] puis des G3P[8] (entre 53,0% et 73,1% entre 2005 et 2015 ; entre 9,0% et 16,8% en 2015 et 2019 ; et seulement entre 6,0 et 11,7% depuis 2019-20). Ce phénomène a déjà été observé en 2004-05 mais il n’avait duré qu’une seule saison. Les résultats des génotypages des prochaines saisons seront à regarder de près avec soit une réémergence des G1P[8] au détriment des G9P[8], G3P[8] voire G12P[8], soit avec des accroissement/persistance de circulation de ces derniers.
   ─ le génotype G2P[4] évoluent de façon cyclique selon les saisons, oscillant entre 1,6% et 17,2% en fréquence. Au cours de la dernière saison 2021-22, on notera néanmoins un plus bas depuis 20 ans avec seulement 2,7% des souches génotypées.
   ─ le génotype G3P[8] : jusqu’ici sa fréquence restait relativement faible avec quelques pics de détection supérieur à 20% au cours des saisons 2003-04 et 2011-12. Les saisons 2017-18 et 2018-19 indiquaient une probable réémergence de ce génotype qui s’est confirmée au cours de la saison 2019-20. Cette réémergence due à la souche G3 equine-like (G3e) se confirme au cours de cette saison avec une forte poussée des G3P[8] (48,0%) dont près d’un tiers de G3eP[8].
   ─ le génotype G4P[8] circule à bas niveau depuis nombreuses saisons avec un maximum à 7,3%. Les souches G4P[8] ne sont plus détectées depuis 5 saisons.
   ─ le génotype G9P[8] : après sa brutale émergence en 2004-05 (65,0%), sa fréquence diminuait régulièrement de 25,1% à 6,3% en 2012-2013. Sa réapparition à un taux élevé au cours des saisons 2013-14 et 2014-15 (21,1% puis 30,9%) puis sa réémergence au cours des saisons 2015-16 et 2016-17 (66,0% et 74,1%, respectivement) et son maintien à des fréquences élevées au cours des saisons 2017-18 et 2018-19 (47,0% et 49,1%) laissaient des interrogations quant à sa circulation et son évolution d’autant que cette forte prévalence semble concerner plus particulièrement la France à contrario des pays européens voisins. Après une saison 2019-20 où sa fréquence a fortement chuté (12,0%), G9P[8] se maintient à 21,5 au cours de la saison 2021-22.
   ─ le génotype G12P[8] : son émergence récente (4,2% en 2011-12 et 3,0% en 2012-13) laissait penser qu’il deviendrait l’un des six génotypes importants en France. Après quelques saisons creuses (0,6% à 2,8% de détection), ce génotype a été détecté à une fréquence particulièrement élevée de 19,5% (52 souches) en 2019-20 confirmant la persistance et l’accélération de la circulation des rotavirus G12 en France. Cependant, sa circulation subit d’importante variation saisonnière. Au cours de la dernière saison, ce génotype représentait 11,3% des souches. ocié à P[8] ou G1, G3, G4, G9 ou G12 associé à P[4] représentent 1,0% des souches détectées de 2006 à 2020 mais aucune sur la dernière saison.

Évolution des génotypes ou combinaisons atypiques :
   ─ les génotypes atypiques sont des combinaisons incluant l’un des génotypes G6, G8, G10, P[3], P[5], P[6], P[9] et P[14]. Sur l’ensemble de l’étude, elles représentent 145 souches (1,2%) dont 8 (1,1%) en 2021-22. Parmi ces génotypes inhabituels, le génotype P[6] est le plus important (82 souches au total). Certaines souches peuvent être d’origine animale, notamment bovine et caprine. Il s’agissait pour la dernière saison de souches G8P[8] (1), G8P[14] (1), G6P[6] (3) et G6P[14] (1). Les souches G8P[8], détectées régulièrement depuis quelques saisons, sont à surveiller car elles pourraient émerger dans les prochaines saisons à l’instar des G9P[8] (2004-05) et G12P[8] (2011-12). Cette combinaison génotypique montre l’adaptation des souches G8 à l’homme.
   ─ à noter la détection d’une souche exceptionnelle G6P[41] qui a été retrouvée dans les selles d’une jeune fille de 4 ans et 8 mois à Lyon. C’est la première souche G6P[41] et la seconde souche P[41] détectée dans le monde, la première étant une G29P[41] détectée chez l’homme en Belgique.
   ─ les combinaisons atypiques, par exemple G2 associé à P[8] ou G1, G3, G4, G9 ou G12 associé à P[4] représentent 1,0% des souches détectées de 2006 à 2021 et 0,5% des souches (4 G9P[4]) au cours de la saison 2021-22.

Evolution des combinaisons génotypiques des rotavirus typés de 2001 à 2022

Conclusion sur l'épidémiologie moléculaire des rotavirus circulants en France

La surveillance épidémiologique des souches de rotavirus a été effectuée en France en dehors de toute pression vaccinale. En effet, la couverture vaccinale ne dépasse pas, en 2022, 5% tous vaccins confondus (c.-à-d. pour les vaccins Rotarix® (monovalent, GSK) et Rotateq® (pentavalent, Merck)).

La distribution saisonnière des épidémies de gastro-entérites à rotavirus s’étale en France principalement entre décembre et avril avec de faibles variations selon les saisons. En revanche, il semble exister une différence entre les centres parisiens, où les épidémies commenceraient plus tôt, dès décembre, suivi par la province de février à avril.

Les résultats significatifs concernant la répartition des génotypes des rotavirus depuis 2001 sont :
   ─ la prédominance du génotype G1 à l’exception de la saison 2004-05 et depuis la saison 2015-16.
   ─ l’émergence de nouveaux génotypes :
       - le génotype G9 est devenu, depuis la saison 2004-2005, un génotype « classique » avec G1, G2, G3 et G4. Il a réémergé depuis la saison 2015-2016 et a circulé parfois avec une forte prévalence au cours des saisons suivantes.
       - le génotype G12, depuis la saison 2011-2012, a été globalement moins « brutale » que celle du génotype G9, représentant en France entre 2 et 4% des souches avec des différences significatives selon les centres. Ce génotype circule de manière régionale en France mais a connu une brève augmentation de sa circulation (19,9%) au cours de la saison 2019-20 avant de retomber (2,3%) au cours de la dernière saison.
       - le génotype G3 equine-like (G3e) a émergé progressivement au cours des dernières saisons jusqu’à devenir prépondérant au cours des dernières saisons.
   ─ la variation cyclique des génotypes G2, G3 et surtout la disparition des G4 depuis 5 saisons consécutives.
   ─ la stabilité de la fréquence des souches inhabituelles (notamment le génotype P[6]) et l’existence, parmi celles-ci, de souches d’origine animale infectant les enfants. Depuis quelques saisons, des souches G8P[8] sont régulièrement détectées démontrant une adaptation à l’homme des souches G8 d’origine bovine (usuellement G8P[14]). Ces souches pourraient émerger dans les prochaines saisons.
Outre cette variabilité saisonnière des génotypes, il existe une grande variabilité géographique. Variabilité selon les centres en France et quelle que soit la saison. Cette variabilité est également retrouvée au niveau des pays européens.